La e-santé dans le parcours de soins visuels territorial : compétences, modalités de coopération, organisation pratique
- Camille DECROIX
- 16 oct.
- 4 min de lecture

Le contexte et les enjeux de la téléophtalmologie ont été mis en lumière lors de la 1ère Journée nationale de Téléophtalmologie. À cette occasion, les travaux et les éléments présentés par Elsa Nusset, orthoptiste, vice-présidente de l’URPS orthoptistes Occitanie et référente régionale DP2O dépistage visuel scolaire, ont retenu une attention particulière. Son intervention a non seulement offert un aperçu précieux des avancées et des défis de cette discipline en pleine expansion, mais a également illustré de manière concrète, à travers le Protocole Muraine, comment la coopération interprofessionnelle et la télémédecine peuvent efficacement répondre à l'enjeu de l'accès aux soins ophtalmologiques en France.
L’orthoptiste libéral dans le cadre du protocole Muraine : retour d’expérience
Elsa Nusset a partagé son retour d’expérience sur le protocole Muraine. Ce dispositif, qui structure une coopération entre ophtalmologistes et orthoptistes, est une réponse innovante à la crise de l’accès aux soins visuels en France. Il s’intègre dans un modèle de télémédecine qui vise à améliorer la prise en charge des patients tout en libérant du temps pour les ophtalmologistes.
Le protocole Muraine : structure et efficacité du parcours de soins
Depuis sa création en 2018 et sa généralisation en mars 2021, le protocole Muraine permet aux orthoptistes de réaliser des bilans visuels complets. Concrètement, l’orthoptiste effectue plusieurs examens : anamnèse, mesure de l’acuité visuelle, réfraction objective et subjective, tension oculaire, rétinographie, et bilan orthoptique. Ces données sont ensuite transmises de manière sécurisée à un ophtalmologiste via une plateforme de télémédecine, qui analyse les résultats dans un délai de huit jours et délivre une ordonnance si nécessaire.
Ce protocole, ouvert aux patients de 6 à 49 ans, s’adresse à ceux qui ne présentent pas de pathologies oculaires graves, d’affections aiguës ou de baisses d’acuité visuelle importantes. Les critères d’inclusion et d’exclusion sont strictement définis, assurant ainsi un cadre sécurisé pour les patients. Elsa Nusset a également précisé que "l’orthoptiste et l’ophtalmologiste travaillent en étroite collaboration, avec une répartition des honoraires (28 euros) à 60 % pour l’orthoptiste au minimum et 40 % au maximum pour l’ophtalmologiste". La prise en charge est intégralement assurée par la Sécurité sociale, avec tiers payant obligatoire et sans dépassement d’honoraires.

Des résultats positifs et des patients satisfaits
Le retour d’expérience du RNM du cabinet d’Elsa Nusset est particulièrement révélateur de l’efficacité de ce protocole. En 2023, elle a analysé 1 491 dossiers de patients de son cabinet, dont 46 % étaient âgés de 16 à 39 ans, la tranche d’âge la plus représentée. Sur cet échantillon, 5 % des dossiers ont révélé des anomalies oculaires, permettant ainsi une prise en charge précoce des pathologies. Ces anomalies incluent principalement des risques de tension oculaire (50 % des cas), des lésions rétiniennes, ainsi que des risques de lésions cornéenne. "Cette collaboration avec les ophtalmologistes permet de détecter des pathologies de gravité moyenne dans 65 % des cas. Cela démontre l’importance de ce protocole pour la santé visuelle des patients", a-t-elle précisé.
Les patients bénéficiaires du protocole Muraine se sont montrés très satisfaits. Une enquête a révélé un taux de satisfaction de 96 %, avec une note moyenne de 4,5 sur 5. Pour Elsa Nusset, cela illustre "la confiance des patients dans ce système, qui garantit un accès rapide aux soins et une prise en charge sous supervision médicale".

Les "trois O" : une coopération interprofessionnelle au service du patient
L’intervention d’Elsa Nusset a souligné l’importance du travail conjoint entre ophtalmologistes, orthoptistes et opticiens, un modèle baptisé "les trois O". Cette coopération permet d’offrir une meilleure fluidité des soins. Nous retrouvons également pour certaines catégories de patients, un accès direct chez l’orthoptiste comme pour les enfants de 9 à 15 mois et de 30 mois à 5 ans peuvent bénéficier d’un dépistage visuel et de l’amblyopie en accès direct chez un orthoptiste, et ceux de 16 à 42 ans peuvent bénéficier d’une primo-prescription sous certaines conditions. "Il est essentiel de comprendre cette vue d’ensemble pour saisir l’importance de cette coopération dans le parcours de soins visuels", a déclaré Elsa Nusset.
Le cadre légal : des évolutions et un passage dans le droit commun attendus…
Le protocole Muraine reste, cependant, en phase expérimentale, contrairement au protocole RNO protocole de renouvellement de lunettes du Dr Rottier qui, lui, a déjà été intégré dans le droit commun. Elsa Nusset a exprimé le souhait de voir le protocole Muraine suivre la même voie : "Nous attendons tous que le protocole rénové soit validé par la DGOS pour être intégré au droit commun et permettre une prise en charge encore plus large, notamment avec l’allongement de la tranche d’âge jusqu’à 65 ans".
La version rénovée, actuellement bloquée à la DGOS, prévoit d’étendre les critères d’inclusion, en intégrant des examens supplémentaires comme la pachymétrie, et en autorisant la prise en charge de patients jusqu’à 65 ans. "Si cette extension est validée, cela nous permettra de dépister encore plus de patients et de renforcer la prévention des pathologies oculaires", a affirmé Elsa Nusset.
Au final, comme l’a conclu Elsa Nusset : "La télémédecine, quand elle est bien encadrée et appliquée avec rigueur, offre des perspectives immenses pour la santé visuelle des patients. Il est donc temps que le protocole Muraine rénové soit validé afin de déployer tout son potentiel" !
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